Pourquoi tous les formateurs en hypnose devraient (faire) pratiquer la Street Hypnose

Sous ce titre un poil racoleur se cache l’une de mes convictions les plus profondes.

J’ai croisé ces dernières années des formateurs en hypnose qui aujourd’hui ne pratiquent plus l’hypnose qu’au sein de leurs nombreuses formations. Ils gagnent suffisamment leur vie ainsi, ont une famille à gérer à côté, et ne jugent plus nécessaire d’expérimenter et de pratiquer en dehors de ce cadre professionnel. La routine s’installe, et ils sont très heureux comme cela. Et je tiens, en tant que formateur moi-même, à vous expliquer pourquoi j’ai toujours à cœur d’aller dans la rue chaque samedi comme Thierry. Au-delà des arguments de Thierry qui sont tous parfaitement valables pour moi également, j’aimerais appuyer son propos par un avis très personnel basé sur ma compréhension des relations entre le formateur et ses stagiaires.

Et je serais le plus heureux du monde si ne serait-ce qu’un de mes collègue formateur, lisant ces quelques lignes, osait descendre dans la rue vivre de magnifiques séances d’hypnose en notre compagnie. Sans enjeux, juste pour le plaisir d’un simple échange de cœur à cœur avec un volontaire.

Quand le formateur veut trop bien faire et en oublie de « jouer ».

Je n’ai pas eu la chance d’y assister personnellement, mais je tenais à commencer cet article par le retour d’un de mes stagiaires sur une précédente formation à laquelle il avait participé, donnée par un formateur jugé très compétent dans le milieu de l’hypnose thérapeutique aujourd’hui.

Suite au cours théorique, le formateur enchaîna (paraphrase) : « nous allons maintenant passer à la démonstration d’hypnose. Mais le programme étant très dense, je vais sélectionner parmi vous une personne plutôt réceptive pour gagner du temps. Néanmoins, rassurez-vous, en prenant juste un peu plus de temps, cela fonctionnerait sur tout le monde« . C’est très louable en réalité, n’est-ce pas ? Je crois que je dis peu ou prou la même phrase le samedi matin lors de mes formations Street Hypnose, sachant que j’ai peu de temps à disposition et que je dois tous les emmener hypnotiser dans la rue l’après-midi.

Ce formateur réalisa alors la démonstration, qui fut évidemment une belle réussite. Puis, sous la forme d’une simulation au ralenti reprenant à l’identique la séance, il demanda au volontaire de faire semblant afin de montrer aux autres tout ce qui s’était réellement passé lors de cette séance. Il montra les différents gestes à effectuer, la posture à adopter, les intonations de voix à respecter, la synchronisation, les mots à appuyer, les ratifications effectuées et toutes les techniques furent décomposées au millimètre avec une description encore plus précise de ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Et c’est là que je rentre en parfait désaccord.

Quand j’apprends à des personnes à jouer aux échecs, je ne vais pas les bassiner avec toutes les ouvertures possibles et imaginables alors même qu’ils n’ont jamais réussi à mettre quelqu’un échec et mat et senti le plaisir de la victoire. Je vais leur enseigner l’état d’esprit, pour qu’ils s’amusent et prennent plaisir avant tout. Et petit à petit, introduire plus de techniques. Un débutant ne doit pas viser la perfection, il doit chercher à comprendre l’essence de ce qui donne du plaisir et du bonheur à une pratique. La posture est bien plus importante que la technique pour un débutant.

Quand fut venu le temps pour les stagiaires de mettre en pratique, ce fut évidemment un fiasco total. Ils avaient été incapable de retenir la moitié de tout ce que le formateur leur avait donné comme informations techniques, et avaient l’impression de tout rater. Ils se décomposèrent les uns après les autres et perdirent confiance face à cette énorme barrière à franchir. Seule la technique leur importait, parce que c’était là-dessus que le formateur avait appuyé exclusivement son propos, et ils n’y parvenaient pas. Alors que l’hypnose, ce n’est pas que de la technique, loin de là (article écrit en 2013, et qui me paraît toujours fort à propos). Résultat, le formateur passa pour un génie et les stagiaires pour des gros nuls. En tout cas, c’est ce qu’ils se sont dits.

L’ensemble de la formation thérapeutique reposait désormais sur ces bases-là, pas forcément très saines.

Et c’est comme ça que l’un de ces stagiaires est finalement venu se former chez moi, en plus de sa formation complète là-bas. Il était devenu hypnothérapeute certifié alors qu’il doutait être capable d’hypnotiser tout court, même de manière ludique…

Pour la petite anecdote : l’exercice consistait simplement à réaliser les mains aimantées suivi de l’induction du même nom, exercice bien basique somme toute. Un bon cadre, ludique et sans enjeu, ne permet même pas l’échec tant cet exercice est facile et accessible à tous les volontaires. A vouloir trop décomposer le processus (ce qui en soi partait d’une très bonne intention), le formateur a cruellement manqué de pédagogie… Et de simplicité. L’absence de pratique dans la rue pour les stagiaires ensuite a aussi fortement contribué à ne pas désamorcer ce petit raté, avant qu’il ne devienne une trop grande pression pour tous les stagiaires.

Si ce formateur avait lui aussi pratiqué régulièrement cet exercice en conditions réelles dans la rue, il aurait su qu’il n’y avait rien de bien compliqué et l’aurait amené de manière beaucoup plus légère, par du jeu, tout simplement. Et les stagiaires auraient connu plus de succès.

Quand un formateur hypnotise un stagiaire : c’est du pain béni !

En avril de cette année, pendant la formation Street Hypnose Lille, j’ai rencontré Julie, devenue aujourd’hui une étroite collaboratrice. Le premier jour, après le petit cours théorique donné le matin, je demandai successivement plusieurs volontaires pour se prêter aux démonstrations. Tout se passa très bien avec les deux premiers. Julie se proposa en troisième, et vint me rejoindre. Je sentis dans son regard qu’elle était mûre. Bien plus que les deux autres. A peine un regard échangé, une induction toute légère pour la surprendre, et boom, la voilà en train de s’écrouler par terre dans une transe relativement profonde et moi de difficilement la rattraper pour qu’elle ne tombe pas.

Suis-je un hypnotiseur si talentueux que cela pour hypnotiser trois personnes aussi rapidement et aussi facilement ?

Que nenni les amis. Je veux bien me jeter des fleurs lors d’une prochaine occasion, mais dans cet exemple il s’agissait juste de plusieurs éléments définissant un cadre très favorable pour moi.

  • Déjà, je suis le formateur. Ces personnes pour la plupart rêveraient de pouvoir faire comme moi, et me voient comme leur mentor. Le lâcher prise requis par l’hypnose est donc déjà bien activé de leur côté.
  • Ensuite, il y a un autre phénomène qui joue beaucoup en ma faveur : la pression sociale. En effet, passer en démonstration devant 15 personnes amène un petit stress qui pousse à jouer le jeu davantage encore. Qui voudrait être jugé comme celui qui a tout fait rater et fait échouer le super formateur que je suis ? Ils m’aident ainsi bien plus qu’on ne l’imagine de l’extérieur. Ils ne font pas semblants, mais ils vont droit au but sans se mettre de barrières superflues.

Je vais être tout à fait honnête avec vous. Un enfant de cinq ans pourrait produire des hallucinations hypnotiques sur une personne très réceptive et consentante. La qualité d’un hypnotiseur se définit plutôt par sa posture (est-il bienveillant ? Fait-il attention aux notions de sécurité ? Comprends-il les interactions conscientes et inconscientes  au cours d’une séance d’hypnose ? Etc.), ainsi que par ses résultats, en terme de phénomènes hypnotiques, sur un panel de personnes le plus large possible. Un bon hypnotiseur devrait être capable de produire des lévitations de bras et des catalepsies sur la majorité, voire l’intégralité, des personnes qu’il hypnotise en quelques (dizaines de) minutes seulement. Concernant les amnésies et les hallucinations, cela pourrait demander plus de temps et tous les hypnotiseurs (et les hypnotisés) ne sont pas toujours suffisamment patients pour amener sereinement de tels phénomènes hypnotiques. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé la formation d’hypnose expérimentale, afin de permettre à des personnes moins réceptives de passer trois jours en immersion pour vivre des transes de plus en plus profondes.

Quand j’arrive dans ma salle de formation le matin, un simple « bonjour » avec un regard échangé me permet d’obtenir un nombre incalculable d’informations sur chaque stagiaire. Et lorsque la première démonstration arrive, je sais que les stagiaires qui se portent volontaires en premiers sont naturellement les plus motivés, ceux qui me font le plus confiance, et les plus mûrs dans le lâcher prise que je vais leur demander.

Heureusement, lors du deuxième jour des formations Street Hypnose, je demande expressément une personne « qui n’a rien vécu ou presque le premier jour » afin de montrer qu’en prenant un peu plus de temps, et avec des techniques bien spécifiques, tout le monde parvient à être hypnotisé. Et c’est souvent lors de ces séances que je grandis moi-même le plus en tant qu’hypnotiseur.

Et si je ne pratiquais pas aussi régulièrement dans la rue le samedi après-midi, je crois que je régresserais très vite. Parce que mes plus belles réussites, mes plus belles séances, ont toujours été dans la rue. Pas avec les personnes très réceptives. Non, plutôt avec celles qui sont ultra-motivées mais qui n’y arrivent pas au départ. Les ouvrir à ce nouveau monde au terme d’un long parcours du combattant les émerveille, et moi avec. Sans parler du domaine thérapeutique. En effet, quand on change une vie au cours d’une séance, on ne joue plus dans la même cours. Mais attention, devenir hypnothérapeute est un métier et ne s’improvise pas.

D’ailleurs, je lance bientôt un nouveau site, appelé « Hunkaar » (pas la peine de le chercher sur Internet, il n’est pas encore prêt), qui sera consacré à ma pratique thérapeutique et médicale, que je souhaite partager comme je l’ai fait avec Street Hypnose. C’est marrant, je répète exactement le même schéma. 4 ans de pratique, de perfectionnement, d’expérimentation, et ensuite j’assume tout publiquement. J’ai passé ainsi 4 ans à découvrir et testé l’hypnose dans la rue de 2008 à 2012 avant de lancer Street Hypnose. Et j’ai abordé pour la première fois l’hypnose thérapeutique début 2013, grâce à Olivier Perrot qui m’invita à donner une formation hypnose & douleur devant 40 professionnels de santé. Et aujourd’hui, je lance Hunkaar, une nouvelle manière d’aborder l’hypnose thérapeutique et médicale à la sauce Jean-Emmanuel. Je comptais lancer ce projet en 2017, mais la faute à des lenteurs administratives, il ne sortira qu’en 2018.

Quand un stagiaire hypnotise un autre stagiaire : c’est super compliqué !

Vous voyez déjà où je veux en venir, n’est-ce pas ?

Beaucoup de formateurs oublient ce petit détail, et font uniquement pratiquer les stagiaires entre eux. Souvent, le résultat, c’est que le formateur fait une sublime séance (cf ci-dessus), quand les stagiaires entre-eux ensuite se loupent à répétition… Je vois tellement de stagiaires sortir d’autres formations désarçonnés et abattus, persuadés que l’hypnose n’est pas faite pour eux, à s’entendre dire par les formateurs qu’ils doivent « persister ». Mais ils n’ont vécu qu’échecs sur échecs, difficile de persister dans l’échec.

Il aurait suffit d’une petite sortie dans la rue pour que chacun reprenne confiance, tant c’est mille fois plus facile d’hypnotiser dans la rue qu’en formations entre stagiaires.

Deux stagiaires, en s’hypnotisant, ne sont vraiment pas les meilleurs cobayes l’un pour l’autre. L’hypnotiseur débutant est persuadé de ne pas être un bon hypnotiseur (normal, il apprend), et l’hypnotisé est persuadé que son hypnotiseur n’est pas un bon hypnotiseur (normal, il apprend). Avec ça, bonne chance pour obtenir une bonne transe hypnotique, là où le lâcher prise et la confiance sont des maîtres-mots, bien plus que n’importe quelle technique appliquée au millimètre.

C’est pourquoi j’insiste sur une notion très importante : « vous êtes là en ateliers ce matin pour répéter vos gammes. Foutez-vous du résultat, amusez-vous et peu importe que cela fonctionne ou pas. Cet après-midi, vous trouverez dans la rue des personnes ultra-motivées qui ne sauront absolument pas que vous avez débuté l’hypnose trois heures auparavant » . Le lendemain, lors du débriefing, ils s’exclament souvent plein d’humour : « j’avais l’impression de faire n’importe quoi des fois, et ça marchait quand même ! C’est pas possible, c’était des acteurs, tu les as payé pour que ça fonctionne avoue !« . Tout à fait. Je paye chaque samedi une centaine de personnes pour qu’ils viennent se faire hypnotiser par mes stagiaires. Je perds plus d’argent que j’en gagne mais cela me fait tellement plaisir, vous comprenez, haha.

Cela peut être aussi facile que cela. Un groupe d’hypnotiseurs, des pancartes « Street Hypnose », des badges nominatifs, et l’événement paraît tout de suite crédible aux yeux des volontaires potentiels dans la rue. Nous sommes tous à leurs yeux des hypnotiseurs super entraînés, quelquefois même possédant des dons selon leurs dires, et surtout pas des stagiaires qui font tout juste leurs premiers pas. Et pour une belle séance d’hypnose ludique, cela suffit.

Même dans mes formations thérapeutiques, j’aurais à cœur d’emmener tous mes stagiaires dans la rue au moins une ou deux fois (en leur donnant envie de recommencer je l’espère). Parce que c’est dans ce contexte qu’ils deviendront de vrais hypnotiseurs. Ensuite, pour leur apprendre la partie thérapeutique et médicale, ce seront des dizaines d’heures « entre nous » et la dynamique ne sera plus la même du toutMais afin de devenir un bon hypnotiseur thérapeutique, encore faut-il déjà être un bon hypnotiseur tout court, non ?

Quand un stagiaire hypnotise un formateur : l’échec ou la réussite ne dépendent même plus du stagiaire.

J’adore me faire hypnotiser par mes stagiaires. Et malgré leur manque de confiance, leurs boulettes à répétition, je vis souvent de très belles séances. Et je pars loin dans l’état d’hypnose. Parce que je me connecte à leur intention, et si je sens de la bienveillance, je fonce. Mon inconscient fera le reste. Lui, sacré hypnotiseur aussi. Parmi les suggestions données maladroitement, mon inconscient fait le tri. Et il peut interrompre la séance à tout moment si quelque chose lui déplaît véritablement. Parce qu’il conserve implicitement le rôle de l’autorité compétente même en se laissant guider par l’apprenti-hypnotiseur.

Quand je vois un formateur se faire hypnotiser par un stagiaire et arrêter la séance toutes les cinq secondes pour lui expliquer ce qu’il fait de mal, ou ce qu’il aurait pu mieux faire, je me dis qu’il passe à côté de l’essentiel. Tout au plus, il va entamer l’estime de soi du stagiaire qui n’a pas besoin de ça. A l’inverse, un stagiaire qui a réussi à hypnotiser son formateur, aura forcément derrière un boost de confiance qui améliora exponentiellement ses résultats futurs. C’est selon moi bien plus important à prendre en compte que de chercher à reprendre le stagiaire pour des petites fautes techniques qui seront facilement corrigeable ultérieurement.

J’ai eu en stage un nombre incalculable de personnes CAPABLES d’hypnotiser en arrivant, déjà formées sur toutes les techniques imaginables, mais se mettant tellement de barrières qu’elles ne se sentaient même pas de réaliser la moindre induction. Un petit tour dans la rue, et 20 inductions plus tard, leur vision d’eux-même et de l’hypnose avait changé.

Formateurs : passez de la technique à l’humain.

Au-delà de toutes les techniques qui au final ne servent pas à grand chose une fois la base connue (exemple : la routine pour bien débuter présente dans le livre « la voix de l’inconscient »), c’est dans l’expérience humaine proposée par la Street Hypnose qu’on apprendra toujours le mieux l’hypnose… Alors collègues formateurs, et amis stagiaires, venez nous rejoindre nombreux dans la rue à l’arrivée des beaux jours 😉

Jean-Emmanuel

Passionné d'hypnose depuis 2008, Jean-Emmanuel partage avec vous toutes ses expériences et son savoir faire afin de vous permettre d'apprendre l'hypnose dans les meilleures conditions possibles. Il est également auteur du livre "la voix de l'inconscient".

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2 réflexions au sujet de “Pourquoi tous les formateurs en hypnose devraient (faire) pratiquer la Street Hypnose”

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