L’hypnose de rue, comme vous ne l’avez jamais lu

Antoine M. est un hypnotiseur de rue très actif dans la région parisienne, et il a récemment écrit une petite histoire directement inspirée de l’une de ses sorties. J’ai été séduit, et c’est avec un plaisir non dissimulé que je partage ce récit avec vous aujourd’hui.

Je vous invite à suivre leurs prochaines sorties directement sur leur page Facebook.

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Le VRP

Le représentant de commerce, très souvent appelé VRP (vendeur, représentant et placier), est un salarié dont la fonction est de démarcher une clientèle, pour le compte d’une ou plusieurs entreprises.

Il est doté d’un solide sens de la communication, d’une bonne connaissance des relations humaines et, accessoirement, d’un sourire ravageur.

Camille aimait râler

Non pas que cela provoquait en elle une joie particulière de détruire une bonne ambiance, ou de casser le moral de ses proches, non.
Juste, ça la détendait. Et ce soir, elle avait besoin de se détendre. La journée avait été longue, et particulièrement ennuyeuse. Sylvie sa bosse trop maquillée l’avait encore bassinée plus 45 minutes pour lui raconter sa dernière manucure. Sans l’appel urgent qui lui avait permis de s’éclipser, elle était partie pour se farcir en sus le récit passionnant de la sortie chez le coiffeur. Ceci étant, le coup de fil lui n’était pas plus réjouissant : un client qui se plaignait d’un défaut minime d’un produit pendant près d’une demie-heure, c’est le genre de chose qui vous achève. Si on rajoute à cela Estelle qui lui a raflé sous le nez la dernière part de tarte au self. de quoi vous péter l’ambiance toute la journée.

Bon, d’accord, c’était peut être un peu exagéré de se plaindre autant pour une part de tarte, mais Camille avait envie de râler, et point !
Heureusement, ce soir elle sortait, ça l’aiderait à se calmer.

La sortie avec ses deux amies étant prévue en deuxième partie de soirée, elle prit un peu de temps pour répondre à ses mails, regarder un épisode de série et se faire un repas froid. Constatant que la soirée était bien avancée, et qu’il était temps de partir, elle décida de s’habiller un peu. Après une quantité assez conséquente d’essais infructueux, elle opta pour un simple jean avec pull bleu marine et sac à main imitation cuir. Elle passa vérifier son maquillage, se faisant la réflexion que sa collègue Sylvie devait mettre à peu près autant de fond de teint en une journée qu’elle en une semaine. Dans le miroir elle se trouva l’air fatigué, usé, moche et contrarié. Rien de cela ne la satisfaisait, mais comme rien ni personne ne la satisfaisait en ce moment, elle inspira profondément et sortit.

Bastille est un quartier sympathique,

les jeudis soirs à la nuit tombée. La rue pavée qu’elle fréquentait régulièrement lui semblait être un havre protecteur du reste de la ville ; une clairière apaisante au beau milieu de la jungle Parisienne. Camille aimait Paris, mais le week-end. Quand elle pouvait se promener à sa guise, visiter ce qu’elle aimait, découvrir les lieux où ses pas la guidait. Le reste du temps elle trouvait la ville trop oppressante. Elle poussa la porte du Docks, un bistrot d’artistes géré par un patron antipathique qui avait sous ses ordres un jeune serveur libidineux qui rappelait à Camille un de ses collègues d’université qui dirigeait aujourd’hui une salle de sport. Bref, leur lieu de rendez vous à Cécile, Louise et elle. Elle aperçut les deux jeunes filles qui lui faisaient un grand signe. Un rapide coup d’œil à sa montre lui permis d’estimer son retard à environ 30 minutes. Elle se fit la réflexion qu’elle avait déjà fait bien pire, et rassurée, elle se dirigea à la table où ses amies l’attendaient. Cécile était une petit boule nerfs, optimiste invétérée, à l’énergie inépuisable. Elle remotivait Camille autant qu’elle contribuait à l’épuiser. Louise était la plus timide des trois, et malgré le nombre conséquent d’années d’amitié que les jeunes filles partageaient, elle restait peu loquace.

Elles se saluèrent, et Cécile mit Camille au fait de la discussion qui avait cours : il s’agissait d’une histoire confuse de nouveau collègue super mignon qui venait d’entrer dans le cabinet d’avocat de Cécile. Les trois jeunes filles s’étaient connues sur les bancs de l’université, en première année de fac de droit. Cécile était désormais avocate, Louise en école de magistrature et Camille juriste dans une multinationale spécialisée dans les produits permettant l’extraction de minerai. La conversation sur le nouveau collègue mignon ayant été rapidement épuisée, Camille se fit la réflexion qu’il était peut être temps de commander quelque chose, histoire de se redonner un regain d’énergie avant d’entamer ses plaintes libératoires.

Et soudain

Au moment où elle se retourna pour héler le serveur, son regard fut attiré par un mouvement de foule peu commun dans le bar. Un attroupement s’était formé a trois tables d’elles : au centre du groupe un homme d’une quarantaine d’années parlait longuement avec un jeune étudiant assis en face de lui. Rien d’inhabituel si ce n’est – et ce détail intrigua Camille, que le jeune étudiant avait les yeux fermés et semblait en plein sommeil.

Ce fut à ce moment qu’un jeune homme a peine plus vieux qu’elle surgit de la table voisine, et prit place à leur table. Elle esquissa un mouvement de recul, qu’elle réprima bien vite : le nouveau venu avait l’air totalement inoffensif, avec ses yeux rieurs, son verre d’eau à la main, et un grand sourire de VRP qui lui remontait jusqu’aux oreilles.

– Bonjour, fit-il en les regardant droit dans les yeux, cela vous dit de faire quelques exercices d’imagination ?
– Non.
– Si !

Camille soupira : Cécile était toujours prête à se faire avoir par ce genre de stratégies idiotes que tentent les mecs dans les bars. Maintenant qu’elle avait dit oui, le type au sourire de commercial n’allait plus les lâcher. D’ailleurs le voilà qui enchaînait, pas du tout démonté par le refus instinctif de Camille :

– Parfait ! En fait nous sommes un groupe d’hypnotiseurs, et nous circulons dans les bars pour proposer aux gens de découvrir tout de ce dont est capable leur imagination.

Là, Camille explosa franchement de rire.

– De l’hypnose ?? Ok, laisse tomber Cécile, on me les a toutes faites mais celle là c’est la meilleur. Ce type te promène.

S’ensuivit un léger moment de flottement où Cécile essaya de déterminer quelle était la conduite à suivre. L’hypnotiseur lui était resté impassible, conservant son sourire qui commençait à sérieusement taper sur les nerfs de Camille. Voyant que Cécile ne réagirait pas, il se tourna vers la responsable de la confusion.

– Je vous assure que cela n’a rien à voir avec quelque techniques de drague que ce soit. Nous sommes un groupe d’hypnotiseurs, et nous pratiquons régulièrement dans les bars afin de proposer aux gens de découvrir ce qu’est l’hypnose.

Il désigna du doigt l’homme qui attirait l’attention trois tables plus loin, ainsi qu’un autre resté dans l’embrasure d’une porte un peu plus loin.

– Non mais tout ce que tu veux, mais l’hypnose ? Allez, c’est bon pour la télé ce genre de trucs !
– Ce que je vous propose c’est peut être d’essayer non ? Vous savez l’hypnose c’est avant tout un état scienti..

Elle le coupa tout net.

– Écoute. Je ne vois pas qui vous êtes toi et tes potes, mais je vais te dire un bon truc : pour moi l’hypnose c’est du charlatanisme ! Le genre de truc qu’on fait croire aux enfants pour leur faire peur ou pour qu’ils aillent se brosser les dents. Hypnose, magnétisme, spiritisme, divinations, pour moi c’est du pareil au même, je peux pas voir ce genre de trucs en peinture. J’ai testé un truc, alors n’allez pas me dire que je n’ai pas l’esprit ouvert : j’ai testé un soi-disant divinateur une fois, et autant vous dire que j’ai vite vu clair dans son petit jeu ! Alors moi, les tours de prestidigitateurs à la petite semaine, même pas la peine d’essayer. Essaye avec Cécile si tu veux, mais perso je crois que vous perdez votre temps !

Son ton devenait franchement condescendant, mais l’hypnotiseur ne semblait pas particulièrement vexé. Au contraire, au milieu de son discours un de ses sourcils s’était levé, comme s’il marquait un intérêt particulier pour ce qu’elle disait. Il attendit qu’elle aie fini et il prit la parole :

– Vous savez, je ne vous vends rien. La seule chose qu’on vous propose c’est d’expérimenter quelque chose de nouveau, c’est tout. L’hypnose est un état agréable, qui permet de vivre un beau moment et de découvrir quelque chose. D’ailleurs, je parie que si vous acceptiez de vous laisser aller vous en ressortiriez vraiment contente !

Camille ne put s’empêcher d’admirer la pugnacité du jeune homme. Elle se cala dans son fauteuil et le toisa :

– Ah bon, tu en prendrais le pari ? J’aimerais bien voir ça !

L’hypnotiseur marqua un temps d’arrêt et son sourire s’effaça. Camille était aux anges : touché ! Pendant leur discussion, le grand type présenté comme un hypnotiseur s’était rapproché. Il envoya un regard interrogateur à son camarade, qui lui répondit par une moue embarrassée.

– Alors ? Je me calque sur ce que tu proposes : si tu m’hypnotises je te dois 5€. Sinon, c’est toi qui allonges le billet vert.

Le soi-disant hypnotiseur qui les avait rejoint fit un discret signe de dénégation, mais son camarade assis sembla hésiter sur la conduite à tenir. Il parut finalement se décider et s’installa un peu plus confortablement dans le fauteuil. Il la regarda avec gravité :

– Je prends le pari à une seule condition : que vous acceptiez de vous laisser aller complètement et de ne pas chercher à résister.

Camille était bonne joueuse, et légèrement curieuse – même si elle refusait de se l’avouer. Elle accepta donc et ils s’installèrent face à face. Il lui demanda de se détendre, ce qu’elle fit partiellement. Il lui demanda de fixer sa main, et d’imaginer un aimant au creux de sa main. Elle se surprit à sentir cet aimant, et sentir l’attraction que sa tête exerçait sur sa main. Tout son avant bras se rapprocha et, tout en suivant ce que l’hypnotiseur lui disait, elle ferma les yeux au moment où sa main touchait son front.

– Bien, fit l’hypnotiseur ; maintenant je vais compter de 5 à zéro et à chaque chiffre tu pourras te relaxer encore plus.

 Et quelques instants plus tard

– Dans un instant, je vais compter de 1 à 3 et je claquerais dans les doigts, et à ce moment là tu pourras te réveiller, en pleine conscience, parfaitement reposée. 1, 2, 3 réveille toi !

Et il claqua des doigts. Camille redressa la tête, un peu éblouie par la lumière. Elle ne voulait pas vexer le jeune homme mais lorsqu’elle croisa son regard interrogateur, elle ne put s’empêcher d’exploser de rire.

– Désolée mais, rien du tout ! J’étais consciente de tout, je me souviens de tout, et je ne me suis pas du tout sentie partir.

Pas dérangée pour un sou par la mine déconfite de ce pseudo-hypnotiseur, elle s’autorisa même un petit air supérieur qui la contenta pleinement. Tout ceci n’était que charlatanisme et maraboutage, elle l’avait prouvé. Le sentiment de satisfaction qu’elle ressentait ne demandant qu’à s’exprimer elle en rajouta une couche.

– Non mais, franchement, bravo pour la relaxation hein, très sympa ! Mais si c’est pour faire ça  je te vois mieux faire du yoga pour petit vieux en maison de retraite, tu aurais un succès fou !

Elle s’installa profondément dans son siège : autant savourer sa victoire.

– Bon, fit l’hypnotiseur, je suis beau joueur.

Et il tira de sa poche son portefeuille qu’il ouvrit, et d’où il tira un billet de 5€. Il le tendit à Camille, qui resta interdite. Elle avait lancé le pari pour le provoquer un peu, pas pour se faire de l’argent au détriment de la crédibilité du jeune homme. Elle regarda le billet comme pour vérifier qu’il ne plaisantait pas, puis la mine résolue du jeune homme, puis tourna la tête vers ses deux amies qui semblaient retenir leur souffle en attendant qu’il se passe quelque chose.

Camille comprit qu’il fallait aller au bout. Elle saisit le billet, ouvrit son portefeuille et l’y glissa : il tombait bien, elle n’avait plus de monnaie.

Elle releva la tête, et vit que le pseudo-hypnotiseur affichait à nouveau son grand sourire de VRP, ce qui ne lui plut pas vraiment. Toutefois, il semblait aussi sur le départ : ses deux amis l’attendaient déjà près de la porte d’entrée du bar. Après avoir gentiment salué et remercié Camille d’avoir accepté de se prêter à l’expérience, il rejoint son groupe et sorti du bar. Camille le suivit des yeux, puis se retourna vers ses deux amies. Celles ci la regardaient d’un air mi surpris mi amusé, mais au moment où elle allait leur demander la raison de ce regard dérangeant le serveur arriva et lui demanda ce qu’elle voulait commander.

– Une demi, ambrée.
– Bien sûr. Puis-je vous encaisser tout de suite par contre ? Je termine bientôt mon service et ça m’arrangerait beaucoup !
– Bien sûr.

Camille remit la main dans sa poche et sortit à nouveau son portefeuille. Si déjà elle avait gagné de l’argent, autant qu’il serve, elle le boirait à la santé de ce type qui avait un peu égayé sa soirée. Elle ouvrir le portefeuille, et en tira une carte de visite. Elle se tourna vers ses deux amies, cherchant à comprendre où avait pu glisser le billet qu’elle venait de recevoir. Les deux jeunes femmes en question la regardait fixement, interloquées.

– Bah, quoi ?

Après un léger moment de silence, Louise esquissa un timide sourire.

– Tu.. tu y as vraiment cru ?

Camille s’énerva ! De quoi parlait la miss muette ? Qui avait cru quoi et pire, qui l’avait eu elle ? Où était passé son argent ?

– Tu.. tu as vraiment cru que c’était un billet de 5€ ?

Camille tiqua. Comment ça « cru » ? Mais il n’y avait pas à croire quoi que ce soit ! Le type avait perdu, il lui avait tendu un billet, elle l’avait pris, point. Elle regarda la carte qu’elle tenait dans les mains de plus près. Un mot au stylo noir y était écrit. Elle l’approcha de la lumière et lu :  « La prochaine fois vous me payerez un verre 😉 ».

Elle en resta assommée.

Cécile et Louise commencèrent à rire franchement de la situation. Au bout de quelques instants elle même ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Elle était joueuse et bonne joueuse. Elle allait devoir demander quelques explications à ses deux amies, mais une chose était sûre : ce type était fort, très fort, et elle avait perdu. Bien joué l’hypnotiseur, à charge de revanche. Mais pas tout de suite, elle allait d’abord devoir ré-évaluer certaines de ses croyances. Elle jeta la carte de visite sur la table pour saisir sa carte bancaire afin de régler. L’opération faite, elle hésita un peu, puis saisit à nouveau la carte de visite pour la ranger dans son portefeuille : cela lui ferait un souvenir.

La tournant entre ses doigts elle vit qu’une inscription était imprimée au verso. Elle l’approcha et lut sous la lumière pâle les trois mots imprimés en lettre noires :

Hypnose de rue

 

Jean-Emmanuel

Passionné d'hypnose depuis 2008, Jean-Emmanuel partage avec vous toutes ses expériences et son savoir faire afin de vous permettre d'apprendre l'hypnose dans les meilleures conditions possibles. Il est également auteur du livre "la voix de l'inconscient".

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11 réflexions au sujet de “L’hypnose de rue, comme vous ne l’avez jamais lu”

  1. j’ai bien aimé votre article , la je me lance dans l’hypnose moi aussi , je lit beaucoup d’article pour le moment et je parle tous seule a voix haute comme si il y’avais une personne en face de moi! bientôt je vais passée a la pratique je pense j’ai assez confiance en moi maintenant grâce au bonne explication et au belle histoire que j’ai lut c’est semaine ,mais j’ai envie de moto hypnotisé et sa c’est plus dure je pense enfin je ne remarque aucun changement !

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    • S’auto-hypnotiser est en effet bien plus dur… Bon courage et bonne chance pour votre future première fois 😉

      Gardez à l’esprit que votre première priorité doit toujours être la sécurité de vos volontaires.

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  2. un magnifique récit, très bien écrit, qui donne vraiment envie de se sortir les doigts du c*l et d’aller vivre ce genre d’expériences soit même !

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