L’hypnose sans induction – Une autre façon d’aborder la séance

Et si finalement l’induction n’était qu’un leurre ? Une relique des spectacles d’hypnose qui n’avait pour but que de nous induire en erreur ?

Je vais inscrire cet article dans la série de L’hypnose n’existe pas et La technique est un leurre en vous parlant d’un type de séance que j’aime tout particulièrement : les séances sans induction.

Comme d’habitude, cette article peut être vu comme une photo à un instant donné de mon point de vue, qui est amené à évoluer en fonction des nouvelles expériences.

Pas d’induction ? C’est possible ça ?

C’est souvent le genre de réaction que j’ai quand je parle de ces séances pour la première fois, genre : “Tu veux dire qu’il ne dort pas? C’est pas de l’hypnose !”

Et pourtant, je vous assure qu’on est en plein dans l’hypnose, le même état, avec la fausse impression de passivité du volontaire en moins, et que les phénomènes hypnotiques passent aussi bien que lors d’une séance avec induction. La grosse différence, c’est que pour les personnes qui ont “peur de perdre le contrôle” ou de “ne pas se réveiller”, on peut leur garantir qu’à aucun moment ils ne fermeront les yeux. Ça ne nous empêche pas de leur coller les pieds au sol, leur faire oublier leur prénom ou avoir une belle hallucination !

Sans induction n’est pas sans transe

J’ai bien pris soin de dire “hypnose sans induction” et non “hypnose sans transe”. Et là encore, je ne suis pas tout à fait dans le vrai, je devrais compléter par “hypnose sans induction instantanée/classique”.

En effet, vous l’avez peut-être remarqué, mais il est fréquent d’induire un état de transe chez notre partenaire de jeu lors du pré-talk, ou des tests de suggestibilité. (Mais si ! Rappelez vous, les volontaires qui restent à fixer leurs doigts lorsqu’ils se touchent lors du test des doigts aimantés ! Leur regard “vide”, c’est de la transe).

Dans ce cas, le test de suggestibilité, ou de non résistance, est déjà l’induction d’un état modifié de conscience. Vous avez alors la possibilité de leur coller les doigts ensemble, une simple catalepsie avant induction. C’est d’ailleurs le phénomène qui est utilisé par les hypnotiseurs de spectacle pour sélectionner les personnes “les plus réceptives”, entendez par là, celles qui sont les plus aptes à se laisser aller en transe à l’instant T, et qui seront par conséquent les mieux placées pour monter sur scène et assurer le show.

Jusqu’où peut-on aller comme ça?

Ah, quelle émotion le jour où j’ai eu ma première catalepsie juste en discutant avec une personne. On était en train de parler d’une séance que je venais de faire avec un autre volontaire, et au bout de quelques minutes, me rendant compte de l’état de transe dans lequel j’étais, j’ai dit à mon interlocutrice :

Je ne sais pas si tu as remarqué, mais depuis qu’on se parle, tu es dans un état de transe léger : je suis persuadé que tout ce qui est autour de moi est complètement flou tellement tu es concentrée sur notre conversation. D’ailleurs, tu ne prêtes peut-être même plus attention à ton corps depuis au moins 5 minutes et il tient pourtant dans cette position tout seul. Je suis sûr qu’en fait, si je te dis que maintenant tu ne peux plus bouger les bras, ils resteront dans cette position, comme si tu en avais laissé le contrôle à ton inconscient au cours des 5 dernières minutes et que maintenant ils refusaient de bouger.

Depuis ce jour, j’ai essayé de progresser étape par étape, en trouvant des techniques pour passer les amnésies, puis les hallucinations avant l’induction. Depuis lors, je ne vois plus l’induction comme une étape nécessaire au bon déroulement d’une séance d’hypnose.

Quels sont les avantages d’une telle séance?

A mes yeux, une séance sans induction a un gros avantage : interaction.

En effet, à tout moment, nous sommes en mesure de discuter avec notre volontaire, analyser ses réactions et avoir un retour direct. La séance est alors beaucoup plus dans la communication, dans l’interaction et le jeu, car la conscience est plus présente, bien que l’état de transe puisse être installé.

Cela nous permet en plus de sortir complètement des clichés de l’hypnose de spectacle, et de montrer encore plus à notre volontaire la puissance de son imagination.

Mais alors, à quoi sert l’induction?

La question qui peut se poser alors est “pourquoi faire une induction ?”.

Bien que l’induction ne soit pas une étape nécessaire à une bonne séance d’hypnose, il est possible de la voir comme un phénomène hypnotique parmi les autres, ou un moyen d’approfondir l’état de détente de nos volontaires, ce qui en soit apporte déjà un intérêt non négligeable.

Elle présente aussi l’avantage de donner un début officiel à la séance pour le volontaire, bien que nous ayons pu commencer les suggestions en amont.

Le fait de fermer les yeux permet aussi à la plupart de nos volontaires d’imaginer plus facilement, ce qui peut leur faciliter la tâche pour assimiler une suggestion (et aussi augmenter la distraction au moment d’ouvrir les yeux, ce qui est utile pour faire passer une amnésie). Sans compter l’effet produit, à la fois en terme de sensations pour le volontaire, qu’en terme de spectacle pour ses amis.

Ça ne peut pas être aussi facile !

C’est souvent la seconde remarque qu’on nous fait. “Si c’était aussi facile d’hypnotiser, tout le monde le ferait déjà !”

Et bien oui, c’est le cas ! Après tout, un parent qui raconte une histoire à son enfant avant d’aller se coucher, il lui fait vivre cette histoire, avec les yeux ouverts ! A ce niveau, nous sommes déjà dans la suggestion de sensations.

Le visionnage d’un film produit souvent le même effet (à condition qu’il corresponde à nos standards, pour pouvoir s’y projeter).

La subtilité d’une séance d’hypnose se trouve alors dans le fait de créer le contexte qui permet à notre volontaire de se projeter dans l’expérience, de s’imaginer en train de la vivre, et d’y adhérer suffisamment pour se laisser prendre au jeu.

Quelques outils

Bien sûr, un peu de technique aide toujours. Une séance d’hypnose sans induction bénéficie du même panel d’outils que les autres séances, mêlés à l’observation et à certaines techniques de PNL.

Ceux que j’utilise particulièrement sont :

  • l’approfondissement par suggestion : le niveau croissant des suggestions débride de plus en plus l’imaginaire de notre volontaire, lui permettant d’aller de plus en plus loin, et de faciliter de plus en plus chaque suggestion,
  • la ratification : faire remarquer à notre volontaire qu’il n’est pas dans son état habituel (il est généralement très focalisé sur l’interaction, il ne prête plus attention à son environnement, son état interne évolue vers plus de calme).
  • les suggestions dissimulées : souvent, la personne que l’on hypnotise a moins de connaissances que nous sur le sujet, et elle cherche à comprendre ce qu’il se passe. Une affirmation placée dans la conversation pourra alors être perçue comme une vérité (vous êtes une autorité dans le domaine par rapport à elle après tout). On peut alors en profiter pour glisser un “wah! tu es super réceptif ! la séance va être géniale !” au moment de la première catalepsie, ou par la suite “bon, je suis allé un peu vite, j’ai sauté des étapes parce que je te sentais très réceptif. On va maintenant faire quelque chose de plus simple !”. Le reste ne passera que plus facilement.
  • la bienveillance : l’hypnose de rue, c’est avant tout de la communication, et un rapport humain. En toutes circonstances, rester bienveillant avec votre volontaire permet de créer une certaine confiance, qui facilitera le lâcher prise.

L’attention

Ce type de séance étant légèrement plus subtile que les séances habituelles, elles demandent de la part de l’hypnotiseur une plus grande concentration sur son volontaire, et un plus grand sens de l’observation (pas question de passer son temps à regarder à droite ou à gauche).

Être plus focalisé permet de mieux se “synchroniser”, de créer un rapport plus franc, ainsi que d’être plus percutant dans nos suggestions. C’est la clé d’une séance sans induction.

Et si nous allions plus loin ?

Nous apercevons au travers de ces expériences la puissance que peut avoir une suggestion au quotidien, si elle est placée au bon moment, dans le bon contexte.

La pratique d’une hypnose sans induction nous rapproche fortement de ce qui peut être trouvé sous le nom d’hypnose conversationnelle, ou de programmation neuro-linguistique (PNL pour les intimes).

Il s’agit en fait d’une grosse boîte à outil nous permettant une meilleure communication avec autrui, autant dans la production que dans l’écoute.

Aurélien

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17 réflexions au sujet de “L’hypnose sans induction – Une autre façon d’aborder la séance”

  1. Génial cet article.
    J’adore l’hypnose sans induction pour toutes les raisons que tu as décrites.
    Cela permet de montrer plus facilement que c’est le sujet qui fait tout le travail et que l’hypnotiseur n’a pas de pouvoir magique parce qu’il est le dernier descendant d’un chaman (j’exagère mais j’ai rencontré des gens qui ne sont pas loin de penser ça) !

    Bref j’aimerais beaucoup progresser dans ce domaine, un autre article sur le sujet !!
    Merci Aurélien

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    • Merci Antonin,
      J’en apprends encore tous les jours sur le sujet. Avec le temps, on fini par développer des techniques pour faciliter les séances (par exemple, une hallucination négative sans faire fermer les yeux, en disant que quand tu sors de son champ de vision, tu deviens invisible, et du coup quand tu reviens devant lui, il ne te vois plus : testé et approuvé! ).
      Un autre article un peu plus technique sur les facilitateurs de séance (applicable aux séances avec et sans induction) est en cours de rédaction 😉

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  2. Ata ….
    est-ce à dire qu’une telle seance serait réalisable :
    pretalk adapté
    doigts magnetiques … pour voir
    mains magnetique et au contact …
    lévitation d’1 main comme accrochée à un ballon …
    je coupe et le ballon emporte ton prenom (amnesie)
    j’explose le ballon et le prenom revient
    Ca te fait mourir de rire ( émotions)
    puis premières hallu et c’est parti …

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    • Oui, tu peux tout à fait faire une séance dans ce style, l’essentiel étant d’adapter tes suggestions et tes transition pour que le tout passe.

      Il m’arrive très souvent de faire des séances sans utiliser la moindre induction, et j’enchaine pourtant tous les phénomènes habituels 😉

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    • ‘fiiiiiiin …. un peu plus « brodé » … avec un petit « collage » intercalé et quelques ruptures de pattern suivies de la suggestion suivante …

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  3. Très bon article ! Merci beaucoup ! Vu que je fais de l’hypnose, que je mettais déjà intéressé à la PNL, je vais m’intéresser de plus près à l’hypnose sans induction, c’est vraiment intéressant, je ferais quelques essais sur des sujets où je connais déjà un peu leur niveau de suggestibilité 🙂

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    • Merci Gabriel,

      J’essaie de me restreindre à des articles de moins de 2000 mots pour qu’ils restent lisibles dans une durée raisonnable, mais ne t’inquiète pas, un second article, à la fois plus général, et plus détaillé, mais surtout plus technique sera bientôt publié (accompagné d’une vidéo illustrant une séance d’hypnose sans induction que j’ai réalisé cet après-midi)

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  4. Articles très intéressant, merci encore.

    Le truc qu’on n’imagine pas encore, c’est que plus de gens qu’on le crois ont compris comment utilisé ces « techniques » à mauvais hessiens, c’est triste, d’autres encore ne « croient » pas en l’hypnose, en 2014 … ( ce sont d’ailleurs les cibles premières de mes premiers cité.)
    Et ce qu’ont imagines encore moins, est à une échelle encore plus grande. L’hypnose c’est pas nouveaux, j’ai même l’impression que les gouvernements essaye de cacher celle-ci pour ne pas qu’ont comprennent (nous moutons ) comment ils l’utilise contre nous.

    L’inconscient à ses failles, ce genre d’articles permet d’ouvrir un peux plus les yeux et pour ça merci.

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  5. hey,
    bonjour à tous,
    je trouve ces recherches très riches et elles méritent d’aller de plus en plus loin.
    je suis tout frais dans l’hypnose et dans l’hypnose de rue,
    j’ai fait mes premières armes il y a une dizaine de jours
    Les deux premières séances que j’ai faite se sont passées sans induction de transe apparente, et les suggestions sont très bien passées (plusieurs catalepsies dont une de la gorge, pour empêcher le sujet de parler et amnésie d’une lettre et du prénom pour l’autre sujet)
    je dis ça, parce que dans le stress, j’avais « oublié » de faire une induction et d’approfondir la transe…
    bref, une découverte accidentelle, qui m’a donné envie d’approfondir.

    juste parce que personne n’en a encore parlé dans ce fil de commentaires, il y a un pdf de James Tripp qui s’appelle Beyond the trance myth, qui détaille une partie de ces questions… (ça vaut le coup de jeter un oeil pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait )
    je trouve pas grand chose d’autre dans la littérature sur la question, donc si vous avez des infos, je prends avec plaisir !!

    juste par esprit de contradiction, james tripp parle d’hypnose sans transe, et cet article d’hypnose sans induction…
    de quoi s’agit-t-il au juste ? (pour moi on parle de la même chose, mais…) ;P

    et concernant la remarque de Mathieu, oui, il semblerait que les techniques hypnotiques soient employées à grande échelle (de façon volontaire ou involontaire, je ne sais pas). Si vous avez de la documentation là dessus, je suis également preneur…

    merci à tous
    bonne suite

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    • Tout d’abord, félicitations pour tes débuts 😉

      Concernant la biblio sur le sujet, je dois avouer que j’ai beaucoup de difficulté à trouver du temps pour lire autant que je le souhaiterais, je n’aurai donc pas grand chose à te conseiller sur le sujet. Cet article est principalement tiré de mes propres expériences et observations au cours de mes séances de rue.

      Je pense que la seule différence entre le travail de James Tripp et ce que je présente se situe au niveau de la terminologie employée et l’interprétation que l’on fait de nos observations. A mon sens l’état de transe est toujours omniprésent, quelle que soit l’activité que nous entreprenions. C’est pourquoi je préfère parler d’hypnose sans induction.
      Comme je le dit dans la conclusion, on peut aussi parler d’hypnose conversationnelle (bien qu’à mon sens, celle-ci se base en plus sur de la suggestion dissimulée, ce qui n’est pas le cas dans ce que je présente) ou bien de PNL. C’est la difficulté lorsque l’on essaie de « modéliser » quelque chose, nous avons un peu tous notre vision, qui n’est finalement que partielle, et valable dans un intervalle, et dans des conditions données (c’est le scientifique qui parle là 😉 )

      Concernant ta dernière question, là encore je n’ai pas beaucoup lu sur le sujet, mais il me semble que Kevin Finel a écrit un livre qui s’appelle « Démocratie sous hypnose » qui pourrait correspondre à tes critères de recherche (je ne l’ai pas lu, et je n’ai pas eu de retours dessus, donc je ne sais pas ce qu’il vaut. Cependant, Finel étant quelqu’un de très compétant en hypnose, il est certainement très intéressant et bien tourné).

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  6. Euh, personnellement, je ne comprend pas ton point de vue. L’induction c’est le moyen utilisé pour faire rentrer la personne dans « l’état de conscience modifié ». Ca n’a rien à voir avec le fait de plonger la personne dans une transe avec les yeux fermés. Faire les doigts collés est une induction puisqu’elle permet à la personne de rentrer dans un état « hypnotique ». Ce dont tu parle correspond plus au travaux de James Tripp qu’il appelle l’hypnose sans transe, ou il part du principe qu’on a pas besoin de faire « dormir » une personne pour l’hypnotiser. Mais de toute façon je ne suis pas non plus d’accord avec lui car pour moi, une personne qui fait les doigts magnétique et qui a les doigts collés, impossible à décoller est en transe. Même si elle n’a pas « dormi ». Donc pour résumer, l’induction permet de se mettre en transe grace à une suite de suggestion C’est le principe de base de l’hypnose. Arrêtons les débats stérile sur hypnose sans transe, sans induction ou sans suggestion, ça n’a aucun sens. Enfin, ce n’est que mon avis.

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    • Pour moi, il s’agit surtout d’une question de sémantique : en effet quoi qu’il en soit, on induit toujours un état hypnotique, ou une transe. Là encore selon les points de vue, on peut considérer (et c’est un peu mon cas) que tout n’est que transe, seul le niveau d’association/dissociation évolue.

      Si tu as bien lu l’article, tu auras certainement remarqué que je dis que je pourrais compléter le nom de l’article par « hypnose sans induction instantanée/classique ». Un phénomène hypnotique va effectivement créer un état de transe associé (visualiser quelque chose nous fait déjà nous intérioriser).

      Concernant les sujet de débat stérile, cet article a pour simple ambition de présenter une pratique de l’hypnose, et d’amener le lecteur à prendre conscience de ses propres croyances limitantes (j’ai vu beaucoup d’hypnotiseurs qui sont persuadés qu’il n’est pas possible de faire passer des suggestions avant d’avoir utilisé une induction « classique »). Il est plus comme une invitation à la réflexion sur nos propres pratiques qu’aux débats sans fondements.

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      • je suis bien d’accord avec la notion de croyance limitante…
        ça me permet d’explorer non seulement des pistes nouvelles
        et de comprendre ce qui marche et comment ce qui ne marche pas pourrait marcher.
        Peut être que ce qu’on considère comme transe est un phénomène hypnotique parmi d’autres (suggestions)
        ou peut être que c’est l’état nécessaire à l’application des suggestions.
        Pour moi ça n’est pas du tout la même chose, ça n’implique pas les mêmes méthodes.
        Donc je pense que non seulement ce n’est pas un débat stérile, mais qu’en plus c’est certainement une question qui peut nous permettre d’améliorer notre pratique.
        J’aime beaucoup la démonstration vidéo (l’hypnose c’est pas plus difficile avec les yeux ouverts), ça me donne l’impression qu’on peut aller chercher à obtenir les mêmes effets avec encore moins de rapport au cadre hypnotique (Pré-talk, tests, etc).

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