L’hypnose par les signes

Vous connaissez tous désormais mon état d’esprit : « ne pas avoir peur d’hypnotiser n’importe qui, n’importe où et n’importe quand ».

Samedi dernier avait lieu à Toulouse la 36e Convention Européenne de Jonglerie. Des milliers de personnes s’étaient données rendez-vous sur la place du capitole et nous en avons profité pour passer l’après-midi à hypnotiser quelques dizaines de mètres plus loin.

Une belle rencontre

Au cours de l’après-midi, je me reposais tranquillement en regardant les copains hypnotiser quand j’aperçois soudain une jeune fille sourde et muette aborder Maxence par l’intermédiaire d’un autre homme qui semblait maîtriser le langage des signes. Les deux ne se connaissaient pas, mais il s’est quand même proposé pour traduire gentiment du mieux qu’il pouvait. Ce dernier s’occupait de faire la traduction dans les deux sens, n’étant lui ni sourd ni muet. A voir les yeux de la jeune demoiselle commencer à pétiller, j’ai compris qu’elle était de plus en plus intriguée et intéressée. J’ai également vu Maxence se décomposer face à cet intérêt grandissant. Il m’a avoué ensuite ne pas avoir su comment réagir correctement face à cette situation un peu originale. Je suis intervenu pour aider Maxence et j’ai essayé de répondre au mieux aux questions de la jeune fille tout en jouant du regard et du langage non verbal, seuls éléments me permettant de créer un premier contact rassurant avec elle. Mon objectif était d’aiguiser sa curiosité. Pari réussi, quelques minutes plus tard, elle souhaitait essayer l’hypnose avec moi. Et, surtout, je souhaitais essayer l’hypnose avec elle.

Les contraintes

Sourde. Muette. Et Allemande. Les contraintes qui en découlent peuvent vous paraître évidentes, mais elles changent tout !

Il fallait qu’elle conserve presque tout le temps les yeux ouverts, et qu’elle garde son regard rivé sur le traducteur pour essayer de comprendre au mieux le message que je souhaitais lui transmettre.

Notre traducteur improvisé était un jeune homme, inconnu de la demoiselle, maîtrisant à peu près correctement la langue des signes Françaises. L’Allemand n’a visiblement pas la même langue des signes et leur communication était parfois difficile. Ils se comprenaient souvent davantage en mimant qu’en utilisant la langue des signes. J’étais quelques fois à la limite d’exploser de rire lorsque je le voyais mimer avec autant de conviction les métaphores que je proposais.

Le jeune homme ne connaissait strictement rien à l’hypnose. Mais il était totalement volontaire, et il a été au final plus qu’impressionnant. Si j’en avais eu un, je lui aurais tiré mon chapeau volontiers.

Un traducteur hors pair

Sincèrement, rendons à César ce qui appartient à César. Il a été autant hypnotiseur que moi dans l’histoire. Lorsqu’il mimait les mains aimantées, il y mettait toute sa conviction. Toutes mes métaphores étaient parfaitement retranscrites grâce à son langage non verbal. Mais ce n’est pas tout, il donnait carrément vie à mes suggestions lorsqu’il mimait également des concepts assez complexes comme « automatiquement », « involontairement », « de plus en plus léger » ou « de plus en plus lourd ». Tout son corps exprimait sincèrement les notions que j’exprimais vocalement.
Presque une semaine après que les événements se soient passés, je reste toujours admiratif de sa performance.

Déroulement de la séance

J’ai commencé directement par les mains aimantées. Elle observait attentivement le traducteur et j’observais ses mains se rapprocher à mesure qu’il lui suggérait par des signes que ses mains allaient être attirées l’une vers l’autre de plus en plus fortement. L’effet a été saisissant, elle n’en revenait pas. J’ai enchaîné ensuite avec les livres et ballons, avant d’emmener l’une de ses mains vers le visage pour la coller au visage. Voyant que la main montait par saccades -mouvements typiques de l’inconscient- mais trop lentement à mon goût, et ne souhaitant pas mettre plus de pression sur le traducteur qui en faisait déjà beaucoup, j’ai choisi de passer à une catalepsie des pieds collés au sol.

Même si je paraissais certainement hyper confiance, mon soulagement intérieur a été énorme lorsque j’ai pu constater que la catalepsie avait prise. Et dans son feedback, elle a lourdement insisté sur la sensation très agréable d’être toute détendue et un peu ailleurs. Je savais que c’était gagné ! J’ai donc demandé au traducteur d’expliquer tranquillement le principe d’une induction, avec quelques fusibles très simples, afin de lui faire vivre un bel état de relaxation.

Voici comment j’ai présenté la chose. Lorsque je tire sur le bras, elle ferme les yeux et se détend le plus profondément possible. Quand je touche son épaule, elle ressort de cet état. Et si elle ne me sent pas lui toucher l’épaule mais qu’elle a envie de sortir de l’état, elle peut le faire naturellement et toute seule. J’ai aussi précisé qu’en sortant de l’état d’hypnose, elle se sentirait merveilleusement bien.

Sans même prononcer un seul mot, l’induction papillons que j’ai utilisée a fonctionné à merveille. Au bout de quelques secondes à peine, j’ai senti son regard devenir vitreux. Et elle est totalement partie. En accompagnant sa tête vers le bras, j’ai essayé par des gestes simples de lui montrer qu’elle pouvait se détendre encore plus. Et puis c’est tout son corps qui s’est relaxé. Lorsqu’elle est ressortie, elle était une autre personne. Souriante, apaisée, sereine et ravie par l’expérience qu’elle venait de vivre pour la toute première fois de sa vie.

J’ai souhaité lui laisser ensuite quelques suggestions de bien être. Avec un énorme succès ! Elle m’a prise dans ses bras pour me remercier avec un regard qui en disait bien plus long que n’importe quels mots, et c’était pour moi le plus beau cadeau qu’elle pouvait me faire.

Le mot de la fin

Je me suis amusé ensuite à essayer de lui faire une amnésie du prénom en transformant le fait de ne pas pouvoir sortir le prénom vocalement en « ne pas pouvoir retrouver le signe adéquat ». Cela n’a pas fonctionné, mais maintenant au moins je connais son prénom à travers son signe représentatif. Le plus drôle, c’est que le traducteur n’avait aucune idée de la traduction de ce signe.

Humainement parlant, j’ai pris une grosse claque samedi dernier. Merci la vie !

Jean-Emmanuel

Passionné d'hypnose depuis 2008, Jean-Emmanuel partage avec vous toutes ses expériences et son savoir faire afin de vous permettre d'apprendre l'hypnose dans les meilleures conditions possibles. Il est également auteur du livre "la voix de l'inconscient".

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14 réflexions au sujet de “L’hypnose par les signes”

  1. Well done ! J’avais été sollicité à distance par quelqu’un de sourd et muet le même jour, mais je ne sais pas si c’est la même personne. J’étais en pleine séance mais j’ai décliné l’invitation ne trouvant pas sur le moment comment faire. Je n’avais pas pensé à l’interprète, mais je ne voyais pas comment rendre les boucles, la focalisation de manière non verbale. Quand on (Maxence ?) m’a montré/dit que tu faisais de l’hypnose en langue des signes, je me suis dit : « Il est très fort ! ». Il fallait oser, et comme souvent quand on sort de sa zone de confort, la satisfaction est à la hauteur !
    Un grand coup de chapeau à tous les deux et aussi un grand merci pour elle pour ce qu’elle a vécu avec votre aide… Je ne serais pas surpris que ce soit une des premières sourdes à être street-hypnotisée, voire hypnotisée tout court ! Peut-être était-elle assez « suggestible » et que cela a pu fonctionner grâce à cette qualité, mais toujours est-il qu’il n’y a pas de hasard et que cela ouvre un autre domaine du possible.
    Le même jour, un bangladais m’a demandé ce que nous faisions. Il ne connaissait pas du tout la notion d’hypnose, et n’avait probablement pas toute la pré-validation culturelle qui va avec.
    Comme au test des doigts aimantés (en anglais) ses doigts n’ont pas bougé d’un mm et qu’il m’a donné l’impression de ne pas arriver à se concentrer, j’ai arrêté la séance. J’essaie de faire le tri entre ce qui venait de lui (manque de concentration), de sa culture (connaît même pas le phénomène d’hypnose) et de moi (ce que j’ai pu projeter dans la séance sur la base de ce dernier item)…mais je digresse !

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  2. j’ai eu à travailler (dans une autre vie) avec des personnes sourdes, ce fut un grand moment d’échange et de plaisir. depuis quelques temps je suis hypnothérapeute et je me suis tout de suite demander comment etre thérapeute avec des personnes sourdes. jusque là personne, pas meme les enseignants de ma formation, n’a pu me répondre. vous le faites enfin!!! et je vous en remercie ! très belle expérience oui je souhaite aussi pouvoir vivre un jour.merci pour ce témoignage qui stimule !!

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  3. Félicitation Jean-Emmanuel 🙂

    Et félicitation au traducteur…c’est vrai que le langage des signes est parfois difficile à appréhender vu qu’il en existe des 30 aines…

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  4. Tout à fait extraordinaire, malheureusement, à quelques minutes près, je n’ai pas pu assisté à cette démonstration enrichissante. Merci à Manu de nous avoir partagé, comme il sait si bien le faire, toute ses choses qui nous émerveilles. ^^

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  5. Bravo !

    Je parle la langue des signes française mais je n’aurais jamais eu le courage d’essayer !

    Ton expérience et ta confiance a su combler les lacunes de communication qui existaient entre vous, et c’est une belle leçon !

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  6. Super ! juste qlqs précisions : on ne dit pas « sourd muet »,c est une fausse appellation.Tous sont capables de parler ou « d’oraliser » et sont équipés de cordes vocales…il n’y a qu’à entendre un enfant sourd pleurer pour s’en convaincre ^^ ou entendre leurs rires éclatants ! 🙂
    aussi la LSF,langue des signes française est une langue à part entière(avec sa propre grammaire…etc…reconnaissance depuis 2005) et non un langage ;et oui on s’exprime avc tout son corps,avc les mimes,les yeux ! mais vraiment quellle expérience pour vous 3 et bravo à la personne qui a fait le lien…
    en conclusion,allez vers les sourds,eux sont épuisés de tjs devoir faire des efforts depuis leur enfance ! vous reviendrez changés à coup sûr …

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  7. Bonjour j ai lu votre article avec intérêt car moi-même sourde et cherchant un hypnotisseur. Je peux vous dire qu’Alexis Karascostas est un psychiatre connaissant la LSF et il peut hypnotiser des personnes sourdes mais pour cela faut d’abord suivre des séances de psychiatrique…mais vous non donc est.il possible de se voir, je serai prête a te payer aussi. Dommage de ne pas vous avoir vu au festival de jo glage a Toulouse.

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  8. Bravo à vous d’avoir osé cette expérience et de l’avoir partagée ici!
    Si cela vous intéresse, vous pouvez aussi contacter l’association l’ARCHE qui depuis plusieurs mois, justement, expérimente l’Hypnose avec des personnes sourdes (je suis moi-même sourde et ai vécu plusieurs expériences d’hypnose avec eux et apres avoir essuyé plusieurs refus de plusieurs thérapeute qui pensaient qu’on ne pouvait pas hypnotiser une personne sourde): induction, accompagnement thérapeutique avec ou sans interprete en langue des signes…

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  9. Bonjour,

    Je tombe par hasard sur cet article, deux ans après avoir traduis cette rencontre. Beau souvenir ! 🙂

    ps : je suis interprète, c’est mon métier 😉

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