L’importance du regard en hypnose de rue

Le regard joue un rôle primordial dans toute séance d’hypnose. Il est le premier contact que vous allez avoir avec votre volontaire. Et le courant doit immédiatement passer entre vous. Fuir le regard de l’autre, c’est fuir ce début de lien qui se crée, capital pour la suite. Pourtant, il ne s’agit pas non plus de vouloir fasciner l’autre absolument par son regard. Tout est question d’équilibre à trouver.

Ce que la voix peut cacher, le regard le livre.
de Georges Bernanos

Simplement avec vos yeux, vous allez pouvoir exprimer quantité d’émotions et d’idées, de manière encore plus naturelle et sincère qu’avec la parole. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de maîtriser la manière dont vous regardez la personne que vous allez hypnotiser.

L’hypnose de rue, un jeu de séduction

La première phase de toute séance d’hypnose de rue est une phase de séduction. L’objectif est simple : renvoyer une image de soi qui convient bien au contexte de la séance, et donner envie au volontaire de jouer le jeu pleinement et sans réserve.

Quand je parle d’image de soi, je fais référence à l’image que vous souhaitez transmettre à la personne que vous allez hypnotiser. Je module beaucoup cet aspect en fonction des personnes que j’ai en face. Et une grande partie se transmet par le regard. Votre objectif est de vous synchroniser avec la personne volontaire. Sans faire du mimétisme pur, il s’agit d’être cohérent pour qu’elle se sente tout de suite à l’aise avec vous.

D’égal à égal, ou presque

Lorsque je sens des regards fuyants, une certaine réserve ou même peur, je vais plutôt avoir tendance à faire pareil, pour rassurer la personne en face de moi. Lui laisser le temps de se mettre à l’aise et de se laisser aller.

En général, avec ce genre de personnes, il n’y a aucun intérêt à vouloir prendre le dessus par le regard. Le simple fait que vous vous soyez présenté comme hypnotiseur, ou qu’elle vous ait vu hypnotiser d’autres personnes, suffit à asseoir votre crédibilité.

Je vous propose alors d’utiliser ce qu’on appelle le pacing & leading pour mettre en confiance la personne. vous allez délibérément copier un comportement pour ensuite essayer de provoquer un autre comportement, plus en adéquation avec ce que vous attendez, en espérant que la personne se synchronise d’elle-même avec vous (inconsciemment). Dans ce cas de figure, il faut préférer jouer de petits regards occasionnels, assez brefs et en même temps avec une grande intensité. Si vous vous y prenez bien, votre volontaire finira peut-être par se sentir plus en confiance et vous rendra alors vos regards, preuve que vous êtes en bonne voie pour mener à bien la séance d’hypnose à venir.

• Je calibre (calibrer = observer) des regards fuyants chez la personne que je vais hypnotiser.
• J’adapte mon regard pour ne pas qu’elle se sente oppressée (je me synchronise avec elle).
• Plus tard, je vais la fixer droit dans les yeux quelques secondes et observer si son regard reste accroché au mien (elle se synchronise donc avec moi) ou s’il est toujours fuyant. Si j’arrive à capter le regard de la personne durablement, c’est très bon signe pour la suite.

J’ai quelques fois essayé la démarche inverse  (à savoir tenir un regard profond et presque transperçant dès le départ) mais j’ai constaté que les personnes concernées se sentaient très vite mal à l’aise et que cette prise d’autorité, trop subite, les empêchait ensuite de lâcher prise complètement. Ce n’est pas une généralité, mais dans la rue, contexte où les personnes accordent difficilement leur confiance, c’est quand même très souvent le cas.

Prendre le dessus pour se faire respecter

Dans la rue, nous voyons régulièrement des personnes qui souhaitent nous mettre au défi, parce que totalement sceptiques, voire hermétiques à l’hypnose. Mais à partir du moment où ces personnes m’affirment qu’elles joueront le jeu pleinement et qu’elles ne résisteront pas à mes suggestions, j’accepte le challenge avec grand plaisir.

Certains ne seront peut-être pas d’accord, mais il y a selon moi dans ce contexte particulier une hiérarchie hypnotiseur – hypnotisé à instaurer pour le bon déroulement de la séance. Je ne parle pas forcément d’interactions dominant – dominé. L’hypnotiseur doit cependant agir comme une autorité dans le domaine qu’il représente. A la manière d’un professeur d’université vis à vis de ses étudiants, il doit être considéré comme le référent et celui qui possède la connaissance.

Si l’un de vos volontaires remet tous vos faits et gestes en question, il vaut mieux arrêter tout de suite avant de constater l’échec par la suite, la règle de départ – ne pas résister aux suggestions – n’étant pas respectée.

Fixer vos volontaires droits dans les yeux est un très bon moyen d’asseoir votre crédibilité. Ces personnes un peu plus directes, impulsives, possèdent un regard que je qualifierais de plus percutant, et il faut absolument jouer du regard pour être au moins au même niveau d’intensité. Ce simple regard doit dégager une absolue confiance en vous. Et même si ce n’est pas l’objet de cet article, une cohérence de l’ensemble (communication verbale et non-verbale) doit se dégager.

Les erreurs à éviter

Quand le volontaire ferme ses yeux

Les hypnotiseurs débutants (et même moins débutants) ont une fâcheuse tendance à quitter leurs volontaires du regard dès lors qu’ils ont les yeux fermés. Je comprends que vous puissiez penser que cela ne soit pas gênant. Et ce mécanisme est tout à fait naturel. Lorsque vous avez besoin de vous concentrer sur ce que vous allez dire, automatiquement vos yeux vont partir soit à droite, soit à gauche. C’est Richard Bandler et John Grinder qui ont mis en exergue ces mécanismes automatiques. Mais gardez à l’esprit que l’intensité du regard module la voix, les intonations, et une suggestion passera beaucoup plus facilement si vous observez attentivement les moindres réactions de votre volontaire.

C’est très important. Il faut toujours rester centré sur son volontaire. Et pour cela, je crois que la méthode la plus simple revient à se mettre soi-même en transe, à se déconnecter du monde extérieur, pour mieux être partie prenante du processus hypnotique. Le but n’est pas de réciter un script appris par coeur, mais bel et bien de continuellement s’adapter aux situations qui s’imposent à vous.

Point trop de fascination n’en faut

Dans la rue, nous ne sommes pas sur scène. La fascination (fixation du regard) doit être utilisée avec parcimonie. J’aime bien l’utiliser de temps à autres comme une ré-induction par exemple, en l’intégrant sous une forme un peu plus ludique.

Je vais te fixer droit dans les yeux, et tu peux lutter de toutes tes forces, tes yeux vont irrésistiblement se fermer pour te permettre de retourner profondément dans l’état de transe que tu viens de découvrir. Et peu importe que tu souris, ou que moi même je me mette à sourire. Cet état agréable dans lequel ton inconscient adorerait te laisser retourner va s’emparer de toi petit à petit. Tes paupières vont devenir de plus en plus lourdes, à chaque clignement d’yeux, jusqu’à rester complètement fermées. Exactement comme ça. Très bien.

Mais n’en abusez pas. La fascination, aussi efficace soit-elle, peut amener une relation hypnotiseur – hypnotisé presque malsaine parce que beaucoup trop autoritaire dans notre contexte de la rue.

Le regard doit rester un jeu, et permettre de créer un lien rapidement avec la personne volontaire.

Prochain article

Le prochain article sera rédigé par Aurélien, qui vous expliquera en détails l’importance de l’observation dans une séance d’hypnose de rue.